Parmi les grandes merveilles australiennes, la Grande Barrière de corail attire chaque année plusieurs millions de visiteurs. Chéri des plongeurs, cet immense et fascinant lagon, abritant une faune et une flore sous-marines extraordinaires, est le lieu idéal pour s’immerger dans les eaux australiennes. Mais ce petit paradis écologique est un milieu bien fragile, à découvrir avec le plus grand respect.
« The Great Barrier Reef « , soit en français la « Grande Barrière de corail » : la simple évocation de ce nom mythique suffit à faire briller les pupilles des amoureux du « monde du silence ». Sur la côte nord-est de l’Australie, c’est en effet un endroit considéré comme l’une des merveilles du monde marin. Imaginez, à une heure à peine de la côte du Queensland : une muraille de corail composée de milliers de récifs, d’atolls, d’îlots, séparés par des chenaux plus ou moins profonds, fruit du développement d’un biotope durant des millions d’années. L’endroit où s’échoua James Cook en 1770 attire pas moins de 2 millions de touristes et rapporte chaque année 6 milliards de dollars australiens (4,1 milliards d’euros)…
La barrière s’étire sur quelque 2000 km, entre Bundaberg, au sud, jusqu’à la pointe du Cap York, au nord. Effectuer une excursion à la journée depuis la côte (Port Douglas, Cairns, Airlie Beach, Townsville, Cairns ou Port Douglas…), ou séjourner dans les lodges et resorts un brin chic des îlots de la barrière (Hamilton Island, Hayman, Lizard, Low Isles, Whitehaven Beach, pour n’en citer que quelques-uns), c’est le rêve de tout plongeur bouteille ou version snorkelling (masque, palmes et tuba simplement, tant l’eau est peu profonde). Poissons tropicaux multicolores, sergent-major de Whitley, raies mantas, requins, cétacés, tortues, grands pélagiques, crustacés, formations coralliennes extraordinaires et subtilement dessinées…. Sous vos yeux, sous l’eau, c’est une explosion de formes et de couleurs plus magnifiques les unes que les autres. Peut-être même l’une des plus grandes formes de vie sous-marine connue au monde : on décrit quelquefois la barrière de corail australienne comme « le plus grand animal vivant du monde » ! Les récifs coralliens sont, selon les scientifiques, les plus grandes bio-constructions de la planète, formées de squelettes calcaires édifiés principalement par les coraux, animaux marins vivant en totale symbiose avec des algues.
La côte extérieure de la barrière plonge verticalement et abruptement dans l’océan Pacifique, alors que la côte intérieure, vers le continent, descend peu à peu vers le lagon et s’étend rarement sur plus de 100 mètres. S’offrir un voyage aquatique dans ce lagon, au fil d’une croisière, en catamaran, voilier ou Zodiac, c’est un moment inoubliable, que l’on ne découvrira jamais ailleurs dans le monde. Petit conseil cependant : il vaut mieux aborder les lieux entre avril et novembre, lorsque la météo est la plus favorable et les eaux encore plus claires et plus chaudes… et que les méduses transparentes (jellyfish) dont les brûlures peuvent être très dangereuses, sont moins nombreuses !
Visible de l’espace !
L’Unesco ne s’est pas trompé en inscrivant le site, dès 1981, sur sa carte du patrimoine mondial de l’humanité. Pour l’organisation internationale, « le plus grand ensemble corallien du monde offre, avec ses 400 espèces de coraux, ses 1500 espèces de poissons et ses 4 000 espèces de mollusques, un spectacle d’une variété et d’une beauté extraordinaires et d’un haut intérêt scientifique.
C’est aussi l’habitat d’espèces menacées d’extinction, comme le dugong et la grande tortue verte », décrit l’Unesco, qui ajoute, sur son site* : « La Grande Barrière de corail est d’une beauté naturelle exceptionnelle aussi bien au-dessus de la mer que dans ses parties immergées et elle offre quelques-uns des paysages les plus spectaculaires du monde.
Elle est l’une des structures vivantes qui sont visibles de l’espace, où elle apparaît comme un enchaînement complexe de structures récifales le long de la côte nord-est de l’Australie ».
Un paradis en sursis ?
Cependant, il faut bien avoir conscience que l’on pénètre ici dans un milieu ultra fragile, menacé, hélas, par les aléas du monde extérieur. Réchauffement climatique, cyclones, ruissellements agricoles, trafic maritime, pêche intensive, exportation de charbon depuis le port de Gladstone, prolifération des acanthasters (crown-of-thorn), ces fameuses étoiles de mer épineuses qui détruisent les coraux et qui prolifèrent en raison des épanchements d’engrais… Selon un rapport d’avril 2016, des scientifiques de l’université James Cook (Townsville), la Grande Barrière de corail traverse même en ce moment le pire épisode de sa vie. Par des observations aériennes et des investigations sous-marines, ces chercheurs de l’Etat du Queensland estiment que pas moins de 90 % des récifs sont affectés par le blanchissement des coraux : « La décoloration des coraux est provoquée par la hausse de la température de l’eau, entraînant l’expulsion des algues symbiotiques qui donnent au corail sa couleur et ses nutriments. Les récifs peuvent s’en remettre si l’eau refroidit, mais ils peuvent aussi mourir si le phénomène persiste », notait un spécialiste à l’AFP.
« La majorité des coraux de la Grande Barrière pourrait avoir disparu quand un enfant né aujourd’hui fêtera ses 18 ans.
De grandes parties de la Grande Barrière de corail seront mortes d’ici à 2034 si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre », alarmait de son côté le Centre pour la science du système climatique (ARCCSS), un organisme financé par le gouvernement australien.**
« Le squelette du corail se dissout. Pour faire une comparaison avec le corps humain, c’est comme si les coraux souffraient d’ostéoporose », expliquait au Monde John Gunn, directeur de l’Institut océanographique d’Australie.***
Cependant, l’Unesco, qui s’inquiétait encore tout récemment de la détérioration de l’écosystème du site, surtout dans sa partie centrale et méridionale, n’a pas placé la barrière sur sa tristement célèbre liste des « sites en péril ». Car le gouvernement et le parc national marin, organisme public qui gère la barrière (pas moins de 345 000 km² !) a mis en œuvre un ambitieux plan de préservation sur trente-cinq ans visant à conserver le mieux possible cet écosystème fragile, l’un des emblèmes de l’île-continent, tout de même !
Ce plan de conservation, présenté en 2016, consiste, entre autres, à réduire de 80 % d’ici à 2025 la pollution de l’eau issue des terres agricoles. L’Australie a aussi interdit le déversement des déchets de dragage dans les eaux de la Grande Barrière.
L’investissement pour la sauvegarde de la Grande Barrière dans la décennie à venir devrait s’élever au final à 2 milliards de dollars. Bref, ce site aquatique est un petit paradis à découvrir de toute urgence. Tout en étant, bien sûr, respectueux de l’environnement.
Un texte de Hugues Derouard
Notes :