Australie : le goût du vin
Par Hugues Derouard
Un vin australien ? On vous imagine déjà sourire ! Détrompez-vous, le pays des kangourous et de la bière s’est imposé ces dernières années comme une valeur sûre en matière viticole et même est devenu l’un des plus grands exportateurs mondiaux… On vous explique.
A la source du vin australien
Si le vin australien n’a pas la tradition plurimillénaire des vignobles européens, il a cependant une histoire assez ancienne. Dès 1788, la culture de la vigne est introduite sur l’île-continent : les boutures sont arrivées dans les cales des bateaux des premiers colons britanniques.
Les vignes sont très vite plantées dans la région de Sydney, mais elles ne prospèrent pas, tant le site de Farm Cove est humide et chaud. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que les premiers vins australiens se développent et sont commercialisés.
« Si la viticulture a pu perdurer dans ce lointain pays anglo-saxon, c’est pour mieux lutter contre l’alcoolisme qui sévissait alors dans les classes populaires. Formées d’anciens forçats et de militaires, elles étaient particulièrement avides de rhum » note l’universitaire Raphaël Schirmer.*
Il faut évoquer la figure de James Busby (1801-1871), considéré comme le « père de la viticulture australienne » : en 1831, cet Ecossais d’origine importe de France et d’Espagne des boutures de vignes (de cépage Syrah) qui, tolérantes, s’adaptent aisément aux sols et aux climats du sud-est du pays. C’est un bouleversement dans le paysage viticole ; aujourd’hui encore, l’emblématique Syrah –ou Shiraz– est le cépage roi en Australie.
Mission exportation
Les boutures de Syrah sont plantées dans les Jardins botaniques royaux de Sydney, dans la Hunter Valley, avant d’être introduites en Australie-Méridionale en 1839.
Les premières structures viticoles du pays s’installent dans la vallée de Barossa au milieu du XIXe siècle (notamment le vignoble Penfolds, aujourd’hui propriété du groupe Foster). Les jeunes vignobles sont anéantis à la fin du XIXe siècle par le phylloxéra, avant de renaître timidement de leurs cendres.
Les premières structures viticoles du pays s’installent dans la vallée de Barossa au milieu du XIXe siècle (notamment le vignoble Penfolds, aujourd’hui propriété du groupe Foster). Les jeunes vignobles sont anéantis à la fin du XIXe siècle par le phylloxéra, avant de renaître timidement de leurs cendres.
« Il faut toutefois attendre le développement des régions minières et des villes, en particulier de Melbourne avec ses émigrés originaires des pays latins, pour que l’essor des vignes devienne réellement significatif », poursuit l’universitaire.
L’industrie viticole se développe sans éclat jusqu’à la fin des années 1980, traversant des phases de surproduction de vins rouges, dans les années 1970, et de stagnation de la consommation dans les années 1980. C’est à partir des années 1990 que la viticulture australienne va littéralement exploser, sous l’impulsion de plusieurs grands groupes industriels qui détiennent désormais près de 75 % du vignoble. Ils s’orientent vers une ambitieuse politique d’exportation (Grande-Bretagne, États-Unis, Canada…).
Le succès est au rendez-vous : l’Australie est aujourd’hui le 4e exportateur mondial de vin. En Grande Bretagne, les importations de vins australiens dépassent même les importations de vins français. « Leurs vins gorgés de soleil, avec beaucoup de fruit, d’accès donc facile, flattent le palais du consommateur profane et sont commercialisés dans une centaine de pays », analyse un journaliste**.
« L’absence de réglementation en matière de rendements, de processus d’élaboration, de choix des cépages, l’irrigation, qui compense les trop faibles précipitations et augmente le volume de la récolte, ont permis aux Australiens de proposer des vins à très bas prix », notait de son côté un critique œnologique.
En moins de vingt ans (1990-2007), la surface viticole du pays a ainsi quasiment triplé, grâce à des moyens techniques sophistiqués et une vinification à la pointe de la technologie. Seule une sécheresse catastrophique freinera en 2007 cette incroyable expansion.
Le vignoble australien s’étend aujourd’hui sur environ 160 000 hectares. L’Australie se place au 12ème rang mondial pour la surface totale de son vignoble et à la 7ème place pour sa production de vin (environ 11 millions d’hectolitres par an). En 2009, elle comptait 2400 producteurs de raisins.
La viticulture australienne souffre cependant de handicaps : le besoin très important d’eau et… le réchauffement climatique qui pourrait à l’avenir considérablement accentuer les sécheresses.
Les régions viticoles australiennes se situent principalement dans la partie sud du pays, plus fraîche, dans l’Etat de Victoria, le sud de l’Australie méridionale et les parties les moins chaudes de la Nouvelle-Galle-du Sud.
Les Australiens en raffolent
Qui l’aurait crû ? Le vin détrône peu à peu la sacro-sainte bière dans le cœur (et les palais) des Australiens. La consommation de vin ne cesse de croître depuis plusieurs années et l’Australie est même le plus grand consommateur de vin par habitant de la zone Asie-Pacifique : en 2010, la consommation moyenne de vin était de 28 litres par an et par personne. Le vin blanc est désormais plus prisé que le vin rouge, notamment par les femmes.
Shiraz, l’emblématique cépage
La shiraz –qui vient de notre syrah– est le cépage roi, le plus répandu en Australie, bien loin devant le cabernet-sauvignon, le chardonnay, le riesling et le sémillon.
Les différents climats australiens conviennent très bien à ce cépage qui s’adapte facilement. Seul ou en assemblage avec le cabernet-sauvignon ou d’autres variétés, la shiraz donne des vins de toutes les qualités, mais offrant en général un fruité expressif et une texture en bouche généreuse, très tannique.
« S’il fallait, en un mot, résumer l’essence du vin australien, le mot « saveur » s’imposerait indiscutablement à l’esprit. Certes, les vins australiens ne sont pas tous des modèles d’élégance, mais ils ont le goût du fruit, direct et sans détour. »***
Selon les œnologues, certains crus –Barossa Valley, Eden Valley, Coonawarra ou Hunter Valley– peuvent désormais rivaliser avec la finesse des vins européens.
Ainsi, en 2013, le célèbre vignoble Penfolds a lancé la commercialisation d’un vin millésimé, présenté comme « le plus grand cru historique des vins du Nouveau Monde ».
Le très influent critique Robert Parker a même attribué au Grange Syrah 2008 de Penfolds la note parfaite de 100 ! Comptez 784,99 dollars australiens pour une bouteille !
Oenotourisme
Loin de l’aridité du bush australien, les régions viticoles, aux paysages empreints de douceur, sont aujourd’hui parmi les destinations les plus prisées de l’île-continent. Citons, en Australie-Occidentale, la Margaret River. Son sol, son microclimat, son doux relief, et ses influences maritimes ont permis la production de vins blancs désormais renommés.
Barossa Vallée, dans l’Australie-Méridionale, à 1 h de route d’Adelaïde, est probablement la région viticole la plus célèbre d’Australie.
Adelaïde Hills, dans la chaîne des Mount Lofty Ranges, est une micro région réputée pour Penfolds Magill Estate Vineyard, un vignoble historique inscrit au patrimoine (il a été fondé en 1844).
Citons encore la Hunter Valley, en Nouvelles-Galles-du-Sud, où les premières vignes ont été plantées par des familles de colons dans les années 1820, ce qui en fait la région viticole la plus ancienne d’Australie.
***source : abrege.com